Koh Samui, prochaine victime du tourisme de luxe ?
Après deux séjours marquants à Koh Samui, j’ai décidé de m’y installer il y a quelques mois. Depuis ma première visite, j’ai vu l’île évoluer, attirer toujours plus de visiteurs et se transformer sous l’influence du tourisme haut de gamme. Alors, quand HBO a annoncé que la saison 3 de The White Lotus se tournerait ici, j’ai voulu m’interroger sur l’impact d’une telle exposition.
Après Hawaï et la Sicile, The White Lotus pose ses valises en Thaïlande. La série de HBO, connue pour sa critique acide du tourisme de luxe et des Américains privilégiés en vacances, a tourné sa saison 3 sur l’île de Koh Samui.
Mais derrière les piscines à débordement et les villas de rêve, une question se pose : quel sera l’impact de la série sur l’île ? Entre hausse des prix, afflux touristique et transformation du paysage local, Koh Samui semble en passe de devenir la nouvelle destination instagrammable… avec ses opportunités et ses dérives.
The White Lotus et sa critique du tourisme de luxe
Derrière ses couchers de soleil idylliques, The White Lotus ne raconte pas de simples vacances. Créée par Mike White, la série dresse un portrait au vitriol des ultra-riches en villégiature, dans des resorts où le luxe est omniprésent… mais où le vernis craque vite.
À travers des dialogues ciselés et des situations absurdes, elle met en lumière l’insatisfaction chronique de cette élite, sa déconnexion totale avec la réalité et l’impact de sa présence sur les employés et habitants, souvent relégués à des rôles de figurants dans leur propre pays. Le rythme lent traduit l’ennui de ces touristes qui traversent le monde pour tuer le temps autour de la piscine, au spa, ou au restaurant.
Les saisons précédentes ont dénoncé l’appropriation des terres et l’exploitation des travailleurs. Koh Samui, avec son luxe et ses paysages paradisiaques, s’annonce comme le décor idéal pour prolonger cette critique sociale.
Koh Samui, un décor de carte postale… mais à quel prix ?
Pourquoi Koh Samui ? Un paradis calibré pour le tourisme de luxe
Parmi les centaines d’îles thaïlandaises, Koh Samui se distingue par son tourisme haut de gamme : resorts 5 étoiles, spas exclusifs, beach clubs branchés et yachts au large. Son aéroport international et ses infrastructures modernes la rendent plus accessible que des destinations plus sauvages comme Koh Tao ou Koh Phangan. Une Thaïlande aseptisée, où luxe et précarité cohabitent sans jamais vraiment se croiser. Le parfait terrain de jeu pour The White Lotus.
Une gentrification déjà en marche
Le tourisme de luxe a transformé Koh Samui depuis les années 90. Autrefois prisée des routards, l’île est devenue un repaire d’expatriés et de voyageurs fortunés. Les bungalows ont cédé la place aux hôtels de luxe et aux villas privatisées. Les habitants et petits commerçants ont été repoussés vers l’arrière-pays et et le sud de l’île, où les loyers restent plus accessibles.
Cette montée en gamme, portée par les investissements étrangers, pourrait encore s’accélérer avec la série, attirant encore plus de touristes et faisant grimper les prix.
Un coût de la vie en hausse, un quotidien plus difficile
Derrière l’image de carte postale, la réalité est plus dure pour les locaux. Si le tourisme apporte des opportunités économiques, il a aussi fait exploser le coût de la vie. Loyers en hausse, commerces adaptés à une clientèle aisée, salaires qui peinent à suivre… Le quotidien devient plus compliqué pour beaucoup.
L’île subit aussi les effets du sur-tourisme : gestion des déchets insuffisante, embouteillages croissants, tensions sur l’accès à l’eau. Avec l’exposition de The White Lotus, ces problèmes risquent de s’aggraver.
À ce stade de la diffusion, six épisodes ont été dévoilés. La série met en avant la beauté de l’île, mais sans aborder les conséquences sociales et écologiques de cette médiatisation.
Koh Samui, future destination instagrammable ?
Un film ou une série suffit parfois à transformer un lieu en destination tendance. En Thaïlande, on pense forcément à The Beach. The White Lotus pourrait bien reproduire le phénomène.
De la fiction à la réalité : un effet déjà observé
Chaque saison de la série a boosté le tourisme dans ses lieux de tournage. En Sicile, l’hôtel San Domenico Palace a vu ses réservations exploser. À Hawaï, le Four Seasons de Maui est devenu un lieu de pèlerinage pour les fans. Koh Samui, déjà prisée des vacanciers fortunés, devrait connaître le même sort : ruée vers les spots de la série, plages transformées en décors de shooting, flambée des prix.
L’ironie ? The White Lotus dénonce ce tourisme qui transforme les lieux en produits marketing… tout en y contribuant elle-même.
Bénéfice économique ou catastrophe écologique ?
Cette exposition médiatique peut être une aubaine pour l’économie locale : hôtels, restaurants et guides touristiques en profiteront. Mais l’île est déjà sous pression écologique : gestion des déchets impossible, problèmes d’accès à l’eau, déforestation pour construire des resorts, embouteillages…
En Thaïlande, les autorités ont déjà dû intervenir pour limiter les excès du tourisme. Maya Bay a été fermée plusieurs années pour permettre à son écosystème de se régénérer. Des parc nationaux ont restreint l’accès aux visiteurs. Koh Samui devra-t-elle suivre le même chemin ?
Pendant ce temps, des projets d’envergure sont en discussion : un pont reliant l’île au continent et un terminal croisière pour accueillir de grands navires. Des décisions qui vont à contre-courant des mesures de préservation.
Dénonciation ou vitrine publicitaire ?
The White Lotus met en lumière les dérives du tourisme de luxe : arrogance des ultra-riches, exploitation des locaux, artificialisation des destinations. Pourtant, elle transforme aussi ses lieux de tournage en vitrines du tourisme haut de gamme.
Alors, critique sociale ou simple accélérateur du phénomène ? L’impact de la série sur Koh Samui sera scruté de près. Reste à savoir si elle contribuera à sa transformation… ou à sa préservation.
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