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Le poids du corps : le cas Pauline Ferrand-Prévot

Pauline Ferrand-Prévot a parlé de son affûtage pour le Tour de France Femmes, notamment au micro de RMC Sport : « C’est un choix réfléchi pour cette course, réalisé de manière intelligente… c’est aussi notre travail d’être au meilleur de notre forme  ». Une déclaration a priori banale dans le sport de haut niveau, mais qui a provoqué un déferlement de commentaires. Ce qui dérange vraiment ? Pas la stratégie ou encore le risque. Mais qu’une femme parle de son corps comme d’un outil, et non comme d’un objet.

Depuis qu’elle a remporté le Tour de France Femmes 2025, Pauline Ferrand-Prévot fait l’objet d’un traitement médiatique particulier. On a salué sa victoire, bien sûr. Mais on s’est surtout attardé sur un chiffre : quatre kilos. La perte de poids qu’elle dit avoir ciblée, encadrée, et qui se veut temporaire. Une stratégie pour la montagne, dont elle a parlé ouvertement.

Et c’est bien là que réside le vrai sujet. Pas ce qu’elle a fait de son corps. Mais le fait qu’elle l’explique sans détour. Sans demande d’approbation. Comme une professionnelle qui assume la maîtrise des moyens à sa disposition pour optimiser sa performance. Rien de plus.

L’affûtage n’est pas nouveau

Dans les sports d’endurance, ajuster sa masse corporelle pour optimiser le rapport puissance/poids est une pratique ancienne. Dans le cyclisme, on parle d’affûtage. Ce n’est ni un tabou ni une découverte. C’est un paramètre, parmi d’autres, dans la préparation d’un objectif.

Eddy Merckx racontait souvent qu’il sortait de table en ayant encore faim, parce qu’il savait que cela faisait partie de la préparation. Chez les hommes, ce type de gestion est analysé en termes de performance. Chez les femmes, il est encore trop souvent ramené à une affaire de corps et d’esthétique.

Une parole inhabituelle

Pauline Ferrand-Prévot n’a rien caché. Elle n’a pas minimisé les efforts ni enjolivé le processus. Elle a expliqué sa préparation, ses objectifs, et précisé qu’elle reprendrait du poids après le Tour. Une déclaration rare dans le sport féminin, où la parole sur le corps est encore fortement cadrée.

Et c’est cette transparence qui a surpris. Parce qu’elle met le corps féminin dans le registre du travail, pas dans celui de l’image. Elle parle de watts, de gestion d’effort, d’optimisation. Pas de minceur.

Quand la performance disparaît derrière le corps

En conférence de presse, Demi Vollering a expliqué que 80 % des questions qu’on lui a posées portaient sur le poids. Pas sur la tactique de course ni sur la stratégie d’équipe.

Ce décalage illustre un double standard. Chez les hommes, l’affûtage est un outil sportif. Chez les femmes, il devient un sujet de société, parfois même un motif de suspicion.

La santé reste un sujet

Mettre la santé en avant est indispensable. Dans les sports d’endurance, le RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport) est un risque bien documenté : déficit énergétique, dérèglements hormonaux, baisse de densité osseuse, fragilité immunitaire, chute de performance.

Ce risque existe pour les femmes comme pour les hommes. La différence souvent avancée par les spécialistes, c’est que les effets peuvent être plus marqués et plus visibles chez les femmes.

Pour cette raison, The Cyclists’ Alliance appelle à instaurer des dépistages réguliers (RED-S et densité osseuse), pour les deux pelotons.

Une parole qui interroge

Marlen Reusser, cycliste et docteure en médecine, a exprimé une crainte : que ce type de discours installe une norme implicite, pesante pour celles qui n’ont ni l’encadrement ni l’expérience d’une championne confirmée.

D’autres coureuses rappellent les conséquences physiologiques possibles.
Ces alertes ne visent pas la gagnante du Tour de France. Elles appellent à protéger toutes les athlètes.

Ce que cet emballement révèle vraiment

Pauline Ferrand-Prévot n’a rien inventé. Elle a simplement expliqué ce qu’elle a mis en place pour préparer un objectif, sans détour. Et, en 2025, cela suffit encore à déclencher une onde de choc.

Ce n’est pas la stratégie qui dérange. C’est qu’une femme dise, à la première personne, qu’elle utilise son corps comme un outil. Sans excuses, sans fard, avec précision.

Cette parole, dans un monde où le corps féminin est plus souvent observé qu’écouté, perturbe encore. Mais elle marque aussi une étape. Celle d’un sport féminin qui assume ses méthodes, parle de préparation comme les hommes en parlent depuis toujours, et avance vers plus de professionnalisation.
Les mentalités évoluent lentement, mais chaque prise de parole comme celle-ci contribue à faire bouger les lignes.


Qu’est-ce que le RED-S ?

Le RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport) est un déficit énergétique chronique qui survient quand l’apport alimentaire ne couvre pas la dépense énergétique. Il peut provoquer :

  • des troubles hormonaux
  • une perte de densité osseuse
  • une baisse de performance
  • une fatigue persistante
  • une vulnérabilité accrue aux blessures

Il ne concerne pas uniquement les femmes. Les hommes aussi peuvent en souffrir, même si les signes sont parfois moins visibles. Sa prévention repose sur des apports adaptés, un suivi régulier et un dépistage médical.


Sources

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1 COMMENTAIRE

  • Hélène

    Voilà un article qui a le mérite de pointer du doigt le sexisme qui règne encore dans les milieux sportifs !
    Au lieu de s’enthousiasmer devant la magnifique performance de Pauline Ferrand-Prevôt et de se réjouir, sans réserve, d’avoir une française vainqueur du tour de France, on ne cesse effectivement, parce que c’est une femme, d’évoquer les effets néfastes sur son corps qu’elle « maltraite » …
    Etonnamment, lors du tour masculin, très peu de commentaires sur ces coureurs pourtant très maigres, émaciés, sauf, peut-être, sur le vainqueur du Ventoux qui pesait 52kgs … Pas un mot non plus, sur les régimes cétogènes, pourtant admis par certains coureurs …
    Alors oui je suis profondément exaspérée de constater que dès qu’il s’agit d’une femme, on ne parle que de son corps !
    Mais sacrebleu, que l’on soit maigre, rondelette, mince, grassouillette, longiligne, ronde, petite, grande, etc …, j’ai vraiment envie de crier pour le coup, puisqu’il s’agit de sport : « Mais lâchez nous les baskets ! ».

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